Les élections législatives en Azerbaïdjan
L’Azerbaïdjan n’a pas de chance avec la presse française.. Des élections législatives viennent d’avoir lieu et une fois encore l’essentiel de la presse française nationale et régionale, sans même se rendre sur place, reprend en boucle la seule information publiée en quelques lignes par une agence de presse :" Elections en Azerbaïdjan ? Victoire du parti en place, des fraudes selon l’opposition... Les formations d’opposition ont accusé le gouvernement d’avoir entravé leur campagne et plusieurs d’entre elles ont boycotté le vote...Les élections ont été totalement falsifiées...avec des bourrages d’urnes..."
Le lecteur de la presse mérite mieux que des jugements lapidaires et une analyse plus poussée, même forcément incomplète, de la situation, est nécessaire. Le recours au terrain s’avère donc incontournable. Des informations de terrain doivent être portées à la connaissance du lecteur avisé qui veut se faire une opinion juste en mettant en perspective les éléments qui lui sont donnés par les différents canaux médias. Ainsi le puzzle aux cent pièces diverses peut être enfin réalisé, en toute objectivité.
Reportage tant à Bakou la capitale où vit le tiers de la population du pays qu’en province...
D’abord quelques chiffres indispensables donnés par les services du président de la Commission centrale des élections, Mazahir Panahov : les législatives en Azerbaïdjan ce sont 1637 candidats de 19 partis dont 300 candidats d’opposition, 357 candidates, pour élire 125 parlementaires, pour l’unique chambre législative du pays avec une élection au suffrage universel avec scrutin uninominal majoritaire à un tour.
La Commission centrale des élections issue du Parlement avec au niveau national 6 membres de la majorité, 6 membres de l’opposition et 6 membres issus des indépendants est nommée pour 5 ans, avec également un niveau régional et un niveau local. Son président représente la majorité et son secrétaire représente la minorité . Les plaintes peuvent être déposées dans les commissions qui mènent les investigations, qui entrainent des décisions. La Commission centrale est la dernière instance, puis la Cour d’appel, puis la Cour suprême peuvent être saisies et enfin la Cour européenne.
Mazahir Panahov vante d’ailleurs les valeurs européennes. Et "après avoir eu ces valeurs en tête, après les avoir aujourd’hui dans la vie pratique" il espère "atteindre enfin le niveau européen" dans tous les domaines.
Pour faire tomber les a-priori habituels 861 observateurs étrangers ont pu venir suivre sur place tout le processus électoral. 57 organisations internationales, 56 états ont envoyé des observateurs parmi lesquels des élus, maires, parlementaires, français. 156 médias internationaux étaient présents ( 7 français)
Un guide de 28 pages a été distribué en nombre dans chaque bureau de vote, consultable largement, avec les rôles et responsabilités des membres du bureau de vote, la tenue et l’organisation matérielle du bureau,le processus du vote, le dépouillement et l’enregistrement des résultats. Dans les bureaux de vote des webcam ont été installées pour surveiller le bon déroulement réglementaire du scrutin. Pour éviter d’éventuels fraudeurs se présentant 2 fois pour voter, des détecteurs manuels ont été mis en place.
Les observateurs étrangers ont pu se rendre dans différents bureaux de vote au contact direct des scrutateurs, des électeurs et des représentants des différents partis présents toute la journée pour relever d’éventuelles irrégularités. L’institut de sondage français OpinionWay a, au niveau national, fait en direct un sondage "sorties des urnes "avec les résultats prévisionnels des candidats élus.
En décembre 2019 la convocation de ces élections anticipées avait été décidée car la composition de l’Assemblée n’était plus en accord avec la politique de réforme du gouvernement. Le premier octobre de la même année, le premier ministre Novrouz Mammadov avait démissionné et avait été remplacé par Ali Assadov conseiller économique du président de la République lui-mëme réélu l’année précédente.
Sevinj Fataliyeva est une jeune députée du Parti du Nouvel Azerbaïdjan qui se représentait et qui a été réélue face à 17 candidats dans sa circonscription dont 3 femmes. Elle explique que de grandes réformes sociétale, économique, juridique sont nécessaires, car il y a un changement dans l’époque, dans les exigences des citoyens et de la jeunesse avec son esprit moderne. Les droits des enfants, des femmes, le nouvel entrepreunariat exigent des changements dans la législation pour répondre aux demandes des électeurs.
La candidate a dû être au contact des électeurs. Sa campagne électorale, elle l’a menée en direct, dans le porte à porte, dans des réunions d’appartements regroupant plusieurs familles, mais aussi "sur les réseaux sociaux et internet qui sont les nouveaux vecteurs de communication, avec toute la transparence" , pour faire connaitre le programme des candidats.
Elle indique que les hausses des salaires,des pensions, des bourses pour les étudiants,les allocations pour les handicapés,les logements pour les moins aisés, les crédits pour les entrepreneurs, l’entrepreunariat féminin, les réformes fiscale et bancaire, la réforme de l’agriculture sont les grands axes de son programme.
Ainsi le travail législatif à venir prend en compte tous les aspects quotidiens de la vie des électeurs. Mais parler des législatives en Azerbaidjan, implique que l’on ne fasse pas l’impasse sur le drame des réfugiés.
Tural Ganjaliyev est un jeune candidat indépendant qui à sa première candidature vient d’être élu, face à 9 candidats, député des réfugiés et exilés des provinces occupées par l’Arménie malgré les nombreux votes de l’Organisation des Nations Unies qui exigent la restitution de ces territoires à l’Azerbaïdjan.
Son rôle il le voit au service des azéris qui vivent, de par leur situation d’exilés, dans la précarité, le chômage, les problèmes de logement, malgré les programmes gouvernementaux. Pour lui aussi cette occupation illégale au vu du droit international est une plaie ouverte. Il explique : "j’ai vu ma maison qui a été détruite",en regardant à la télévision un touriste prendre des photos au Haut Karabagh.
Il souhaite comme ses compatriotes une coexistence pacifique entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie : "nous ne voulons pas libérer notre territoire par la force". Les azéris et les arméniens ont vécu ensemble dans le passé. Il faut que le groupe de Minsk (dont la France, les USA, la Russie) redouble d’efforts, pour résoudre ce drame.
L’Azerbaïdjan est une petite république de 10 millions d’habitants au coeur d’une région géopolitique essentielle (Russie, Iran, Turquie) qu’on ne peut ignorer en France. D’où l’intérêt de la connaitre d’une manière objective et dénuée d’a-priori.
http://www.turquie-news.com/49696-Les-elections-legislatives-en-Azerbaidjan